Depuis que le carrosse avait traversé les frontières champenoises, Agnès guettait à travers les lourds rideaux qui masquait les vitres, les mornes paysage de l'hiver champenois.
C'était plus fort qu'elle, tout le poids de son éducation artéso-artésienne, des décennies de bourrage de crâne anti-champenois, et elle guettait l'ennemi invisible derrière chaque fourré.
Cela lui évitait de penser qu'elle allait devoir entrer dans la maison des descendants de Caedes, marier sa vassale à son petit-fils et donc avoir deux champenois comme vassaux et comble de l'horreur l'union se faisait devant Aaron, la bête noire de l'Artois, sauf que Gnia n'arrivait même plus à se souvenir pourquoi on l'aimait pas...
Elle tentait donc de repousser l'histoire collective et de se fier à ses sentiments, à l'amitié sans faille qui la liait à Maltea, à son choix de mari et à la bonne impression que Richard lui avait laissé lors de son passage à Arras.
Toutes à ses pensées, le carrosse arriva dans la cour du domaine et Agnès sursauta, la main prête à dégainer la dague qu'elle cachait toujours sous ses robes, lorsqu'un valet ouvrit la porte et déposa un marchepied. Se remettant de sa frayeur, la jeune femme, encore affaiblie par sa récente maladie, descendit lentement du carrosse et demanda au valet de l'annoncer.
Veuillez annoncer Agnès de Saint Just, Vicomtesse de Bapaume, Baronne de Desvres et Dame de Seuiri à Dame Maltea, je vous prie.
Agnès releva le col d'hermine de sa cape et leva les yeux vers le château.